Petit tour d’actualité ludique

Essen

Au lendemain du salon d’Essen je me propose de faire un petit tour d’actualité ludique, au gré de mes lectures et impressions.

  • Essen déjà. Le classement du Fairplay ’15 est connu (il est élaboré à partir de la liste des six meilleurs jeux du salon selon les festivaliers participants) et il augure ou confirme généralement de très bons jeux qui feront l’actualité ludique de l’année à venir, même si les titres qui n’occupent pas assez le terrain tendent à passer sous le radar. NB : les jeux marqués d’un astérisque n’ont pour le moment pas d’éditeur français connu. Donc 1- La Granja (édité chez nous par Pearl Games). 2- Mombasa* (Eggertspiele), Nippon* et Signorie* (What’s Your Game?). 3- 7 Wonders Duel (Repos Prod.), Council of the Fourth* (Cranio) et Grand Austria Hotel* (Lookout Games). 4- Codenames* (Czech Games Edition), Isle of Skye* (Lookout Games), Mysterium (Libellud, déjà abordé ici) et Shakespeare (Ystari). 5- Discoveries (Ludonaute, impressions ici) et My Village (Clochermele chez nous, édité par Gigamic). 6- Celestia (BLAM!). Le jeu à l’allemande domine mais c’est plutôt varié. Comme vous l’aurez remarqué quelques titres sont déjà dans le commerce depuis un certain temps.

    En ce qui concerne les jeux absents de ce classement et qui me semblent bénéficier de bons retours à la lecture de divers forums ludiques – sans prétendre être exhaustif ou tomber juste, loin de là : L’Auberge Sanglante (la sortie annuelle de Pearl Games), 504 (le jeu conceptuel de Friedemann Friese, avec des règles qui se combinent pour générer 504 jeux différents !), Bretagne (Placentia Games, voir mon avis plus bas), Raptor (Matagot, le petit jeu de duel des deux Bruno dont j’ai parlé ici), Ekö (Sit Down!, déjà évoqué ), Ships* (Treefrog Games, l’un des deux Martin Wallace de la cuvée 2015), Food Chain Magnate* (Splotter, du gros, très gros jeu), Ponzi Scheme (Homosapiens Lab). En améritrash j’ai principalement répéré Shadows Over Normandie (Devil Pig Games – soit une reprise du système de Heroes of Normandie dans l’univers de Achtung! Cthulhu). The Gallerist* (Eagle-Gryphon Games – le dernier Vital Lacerda, après les excellents Vinhos, CO² et Kanban) était présent avec son auteur mais non jouable faute de boites livrées à temps – donc pour le moment les retours sont insuffisants pour se forger une opinion. Et The 7th Continent (Serious Poulp, mentionné ) continue à faire le buzz – manifestement le principe est séduisant, en attendant les retours à l’échelle d’une partie. J’ai peu vu cité Pandémie – Legacy (Filosofia) mais je pense que c’est parce que son format ne permet pas de le mettre en avant en salon.

  • La tempête dans un verre d’eau du moment avec l’équipe de Tric Trac qui s’emporte quelque peu, sur papier et en vidéo, du fait de critiques concernant son manque de couverture d’Essen. La réponse du site me semble exagérément véhémente – mais pas totalement dénuée de fondement – même si je trouve aussi que ça fait bizarre de n’avoir aucun retour sur le temps du salon. Je comprends bien que le site traite largement l’actu en amont et que la couverture à grands renforts de moyens vidéo n’est pas forcément opportune – en tout cas moins qu’une analyse réfléchie a posteriori – mais je me dis qu’un ou deux podcasts pendant le salon permettraient de faire partager l’ambiance et des impressions à chaud. Par ailleurs je suis un peu surpris de la position du site qui semble suggérer qu’Essen n’est plus vraiment un événement incontournable de l’année ludique et que la création francophone éclipse le reste de la production ludique. Cet Essen ’15, avec une part large donnée aux projets kickstartés et aux auteurs de tous pays, prouve largement le contraire (et justifie l’importance de l’événement) ; plus que jamais la créativité s’exprime un peu partout dans le monde et les jeux quittent plus facilement leurs frontières. Au passage le site de Tric Trac vient de subir un gros ravalement de façade avec sa 5ème mouture. Pas d’avis pour le moment car il faut prendre le temps de s’adapter et de l’adopter mais ça m’a paru plutôt agréable et réussi au premier abord, en dépit de quelques erreurs de jeunesse qui seront sans doute corrigées rapidement. Pour le moment la seule chose qui me laisse sceptique concerne la possibilité de noter aisément les jeux sans commentaire à l’appui – ce qui nuit à la visibilité des avis détaillés, autrement plus constructifs que les notes isolées.

Argo

  • Je poursuis sur une impression un peu déprimante. Bruno Faidutti et Serge Laget ont lancé leur projet Kickstarter avec Argo, sous l’étiquette Flatlined Games (ça se passe ). Qu’on aime ou non les jeux des deux auteurs force est de constater que ce ne sont pas des manches, avec de très bons titres à leur actif (Cargo Noir, Ad’Astra, Citadelles, Les Chevaliers de la Table Ronde, etc.). Le financement est au point mort et la campagne sera vraisemblablement annulée. J’ai parcouru les règles et, sans préjuger de l’efficacité du jeu à ce seul fait (c’est évidemment insuffisant, il faut voir ce que ça donne en action), ça me semble plutôt sympathique et avec une approche assez originale d’un genre ultra-balisé ; quelque chose entre Room 25 et Space Hulk. Ce qui me choque c’est que, à mon avis,  la campagne se plante pour deux raisons (au-delà peut-être d’un certain manque de communication et d’exposition dans les médias spécialisés) : il n’y a pas de figurines. Et il n’y a pas de paliers. Ce qui me semble une manière de procéder particulièrement honnête : le projet est maîtrisé (y compris le coût de la boîte d’ailleurs) et limpide. Malheureusement il semble que cette vision classique de l’édition soit vouée à l’échec et désormais la bannière de vieux cons. Le projet risque fort de revenir en s’adaptant à la tendance actuelle : figurines et – j’imagine – paliers ? Les auteurs ont raison – ça serait ridicule de laisser tomber – mais je trouve ça vraiment regrettable.

Bretagne

  • Je termine avec Bretagne, une belle surprise italienne qui vient tout juste de sortir, et commence par évacuer les petites frustrations : le thème, assez original, ne fait illusion que le temps de lire les règles. Bretagne est un jeu de gestion à l’allemande et son thème ne s’exprime que de manière artificielle dans la mécanique de jeu, qui souffre par ailleurs d’un côté bricolage à la Stefan Feld. Enfin le matériel n’est pas très agréable à manipuler (les espaces du plateau sont trop petits au regard des pions à y empiler) et surtout il vient en quantité insuffisante. C’est bien la première fois que je me trouve réduit à noter l’argent sur un bout de papier et jongler avec des compteurs x3 / x5 pour multiplier les ressources.

    C’est dommage car le jeu en lui-même, de facture assez classique, me semble vraiment réussi. Les éléments véritablement séduisants et qui distinguent à mon avis ce Bretagne de la production moyenne sont : 1- le fait que le scoring est déclenché chaque fois qu’un phare est terminé et que tous les joueurs peuvent contribuer à l’édification d’un même phare. Par ailleurs les points de victoire (et le possible accès aux ports, qui fournissent un revenu à chaque début de tour) sont alors attribués selon un système de majorité assez subtil selon la contribution de chacun à l’édification dudit phare et qui se décline en trois étapes successives, la participation d’un joueur à une étape réduisant son influence pour les étapes suivantes. 2- le fait que les ressources soient en quantité limitée et qu’il faudra donc choisir avec soin ses priorités et anticiper le jeu de ses adversaires. La météorologie, connue seulement un tour à l’avance, vient apporter une (légère) incertitude et un élément clef de planification car elle influe sur le coût de construction des phares, selon leur type. 3- et pour terminer la philosophie globale qui ressort du système de jeu, qui propose des petits arbitrages systématiques entre ressources / points de victoire d’un côté et gain immédiat / gain à long terme d’un autre (mais au prix de la mobilisation de ressources). Et qui impose d’être attentif à ses adversaires, pour essayer de profiter des aubaines sans créer soi-même des opportunités.

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