Le prix supposément le plus prestigieux dans le domaine du jeu de plateau, le Spiel des Jahres a été décerné très récemment et, comme souvent avec les récompenses, le choix du lauréat fait débat. C’est à mon avis d’autant plus vrai cette année que le jeu récompensé (Camel Cup, paru chez Eggertspiel) est méconnu dans nos contrées et a été préféré à deux prétendants francophones qui ont marqué l’actualité ludique de part chez nous : Concept et le tout récent Splendor (et s’ils ne déméritent pas ils ne valent pas non plus toute cette agitation à leur endroit à mes yeux). Pour compléter la cuvée 2014 Istanbul a obtenu le prix du jeu ‘pour connaisseur’ (sans préjuger d’un jeu que je ne connais pas il était en compétition avec quelques-unes des belles surprises de l’année, dont Russian Railroads et Rokoko) et Geister, Geister, Schatzsuchmeister! celui du jeu ‘pour enfant’.
Je n’ai pas l’habitude de relayer mais, pour l’occasion, Phal s’est fendu d’un long article sur Tric Trac : http://www.trictrac.net/actus/le-spiel-n-a-jamais-ete-ce-que-nous-imaginions. L’article est intéressant et je suis personnellement plutôt d’accord avec celui-ci. J’ajoute que le Spiel étant un prix Allemand il me paraît de bonne guerre qu’il favorise un produit local. Quand on s’intéresse de près à l’historique du palmarès on se rend compte que ce n’est pas la première fois que le prix est décerné à un jeu très familial, et que certains lauréats sont quand même loin d’avoir marqué l’histoire (j’imagine qu’il y aurait de quoi rire jaune en considérant les concurrents écartés). Mais c’est le lot des récompenses : les goûts ne sont jamais unanimes et les considérations commerciales ou le copinage rarement absents. Le prestige du Spiel outre-Rhin doit principalement à celui du jeu ‘à l’allemande’ qui a indéniablement revitalisé le genre dans les années 90 et servi de porte d’entrée à beaucoup d’entre nous.
A mon avis ce qui compte vraiment c’est que la communauté parvienne à identifier les bons jeux et que ceux-ci parviennent à atteindre les étals et trouver leur public. D’ailleurs la situation esquissée par Phal ne doit pas masquer le principal pour les joueurs que nous sommes : la création se porte bien (et il est effectivement plaisant de pouvoir souligner la qualité de la production francophone), y compris en Allemagne où émergent tous les ans d’excellents jeux pour joueurs, même s’ils ne sont pas récompensés localement. Le corollaire forcément malheureux de cette effervescence est la multiplication insensée des sorties, augmentées encore par le phénomène du financement participatif, qui laisse parfois de très bons jeux sur le carreau, fait que l’on passe un peu trop vite d’un jeu à l’autre et rend plus difficile l’identification des valeurs sûres. Mais c’est la rançon du succès, on ne va pas s’en plaindre non plus, sauf à déplorer un travail éditorial parfois trop juste (règles mal rédigées et jeu insuffisamment testé).